Capteur solaire thermique : essai de performances

Sommaire

Avec l’été qui arrive, les plus chanceux d’entre nous se demandent comment remplir leur piscine en profitant un maximum du rayonnement solaire.

Nous avons tous déjà remarqué combien l’eau sortant d’un tuyau resté au soleil peut être chaude. Un tuyau d’arrosage exposé au soleil est effectivement un capteur solaire thermique.

Dans cet article, je vous propose d’évaluer les performances d’un capteur du commerce. Histoire d’apprécier le potentiel de la technologie.

Présentation du capteur

Le capteur solaire considéré est un dôme solaire de référence 90299 de la marque VidaXL.

Techniquement, il s’agit d’un tube en plastique noir, enroulé en spirale, sous serre. Le tube absorbe le rayonnement solaire et la serre en plastique limite les pertes thermiques par rayonnement infra-rouge.

Le capteur est intégralement en plastique ce qui lui confère une durée de vie probablement assez courte mais lui assure un prix très faible de 135 € environ.

Le panneau est un carré de 71,5 cm x 71,5 cm soit une surface totale de 0,51 m². Notons tout de suite que de par sa conception, seul le disque inscrit dans le carré est occupé par la spirale donc la surface utile pour capter le rayonnement solaire n’est en fait que de 0,40 m² (surface du disque inscrit).

Le panneau est donné pour une puissance de 735 W. Cette valeur est discutée un peu plus loin dans l’article.

1-Capteur
Capteur solaire 90299 de la marque VidaXL

Expérience

L’objectif de l’expérience est de mesurer la puissance thermique qu’il est possible d’apporter à l’eau grâce à ce collecteur solaire.

Le capteur est alimenté en eau relativement froide issue d’un forage. La température de l’eau est mesurée et enregistrée à l’entrée et à la sortie du collecteur. Pour en savoir plus sur l’enregistreur PT100 utilisé, je vous invite à lire cet article.

Le débit est calculé en mesurant la masse d’eau recueillie en sortie de capteur au cours d’une durée donnée.

0-Experience
Montage expérimental

Résultats et analyse

Débit

Le débit a été mesuré deux fois, avant et après enregistrement de la température. Une masse de 2,3 kg est obtenue au bout de 2 minutes et 30 secondes. Le débit imposé par la pompe est donc de 0,069 kg/s.

Température

Le système d’acquisition comporte deux sondes de température. Afin de les appairer, elles sont d’abord plongées toutes les deux dans un même courant d’eau. Lors du post traitement, les températures sont ajustées afin d’éliminer toute source d’erreur d’offset.

Toujours dans l’optique d’améliorer la précision, la position des deux capteurs est inversée au milieu de l’expérience. La sonde à l’entrée du capteur est positionnée à la sortie et réciproquement.

L’évolution des températures obtenues est présentée sur le graphique suivant.

3-Courbe
Enregistrement de la température

Deux points sont intéressants à noter :

    • La température de l’eau en entrée du capteur chute lentement d’environ un demi degré pendant l’expérience. Ce phénomène est certainement dû au forage. L’eau prélevée en surface laisse petit à petit place à une eau venant de plus profond et donc plus fraiche.

     

    • La différence absolue de température entre l’entrée et la sortie est très régulière toute la durée de l’expérience. La valeur moyenne est de 1,14 K.

Puissance et rendement

La puissance thermique transmise à l’eau est calculée en considérant une capacité thermique massique de l’eau à 15 °C de 4,186 kJ/(kg.K).

D’après la station météo située à proximité, l’irradiance solaire au niveau du sol, à ce même moment, était de 911 W/m² en moyenne.

En considérant une surface de collection d’énergie de 0,40 m², le capteur solaire permettait, à ce même instant, de collecter 816 W/m² (328 W sur 0,40 m²). Cette valeur correspond à un rendement de 89,6 % de captage de l’irradiance disponible dans ces conditions.

Ce rendement très élevé s’explique probablement par les deux phénomènes suivants :

  • La température du panneau est maintenue basse par l’eau du forage (environ 15 °C) donc les pertes thermiques vers l’ambiance sont faibles. Il y a peu ou pas de point très chaud.
  • La température de l’air ambiant étant de 28°C pendant l’expérience, les pertes par convection étaient négatives. L’air ambiant participait au réchauffage de l’eau !

Comment expliquer alors que le rendement ne soit pas de 100 % voir supérieur, si l’air ambiant apporte aussi de l’énergie ?

Plusieurs possibilités :

  • Incertitudes de mesure (débit, température, dimensions panneau, irradiance)
  • Inclinaison non-optimale du panneau vers le soleil. Le panneau était horizontal donc pas parfaitement orienté vers le soleil. Bien que l’expérience ait eu lieu à midi heure solaire, elle n’a pas eu lieu à l’équateur.
  • Zones du panneau potentiellement plus chaudes que la température de l’air ambiant donc pertes par rayonnement et convection.
  • Tout le rayonnement reçu n’est pas absorbé par le capteur, une partie est réfléchie par le dôme transparent par exemple.

Puissance maximale théorique

L’irradiance solaire au-dessus de l’atmosphère est de 1361 W/m². A la surface de la terre, dans de très bonnes conditions atmosphériques et météorologiques, l’irradiance est au maximum d’environ 1100 W/m². C’est par exemple le cas à Odeillo (France) où se trouve l’un des plus grands fours solaires du monde.

Si le capteur VidaXL recevait cette irradiance maximale dans les mêmes conditions que l’expérience, donc avec un rendement de 89,6 %, il permettrait de collecter 985 W/m². Or sa surface n’étant que de 0,4 m², il permettrait au mieux, de collecter 396 W. Il est très étonnant que le capteur soit donné pour 735 W !

Spécifications techniques annoncées

Attardons-nous un instant sur les spécifications techniques avancées par le fabricant.

4-Spec
Spécifications techniques du capteur VidaXL 90299

Dans ce tableau, 3 informations principales sont avancées :

  • « 2 unités de chauffage peuvent chauffer jusqu’à 1000 litres d’eau en 1 heure à 1 °C ». La phrase n’est pas très claire mais l’on peut supposer qu’elle signifie que 1000 litres d’eau peuvent être élevés de 1 °C (1 K), en 1 heure, à l’aide de 2 panneaux. Cette information correspond à une puissance de 1 163 W. Chaque panneau apportant donc en moyenne 581 W. Comme nous venons de le voir, cela parait physiquement impossible…
  • « Puissance d’entrée maximale de 735 W. » Cette donnée est tout aussi peu compréhensible. L’interprétation la plus probable consiste à dire que le panneau peut fournir à l’eau une puissance maximale de 735 W. Comme évoqué plus haut, cela parait impossible, à moins que l’air ambiant apporte beaucoup d’énergie par convection et donc que l’eau entrant dans le panneau soit particulièrement froide…
  • « Temps requis en jours pour chauffer la piscine 5 °F. » Cette information est particulièrement mal explicitée mais semble signifier la chose suivante. Il s’agit de la durée nécessaire pour réchauffer un certain volume d’eau de 0 °F à 5 °F (soit un delta de 2,77 K). Pour une durée de 10,7 jours (10h par jour) et un volume de 24 302 litres, la puissance correspond à 732 W ce qui est cohérent avec les données supposées plus haut mais toujours physiquement inatteignable…

Angle économique

Bien que la puissance annoncée soit très loin de celle atteignable, le rendement du panneau reste très intéressant. Cela rend-il le produit intéressant ?

D’un point de vue énergétique et environnemental, sans considérer le cycle de vie du produit, il est très intéressant. Chauffer sa piscine gratuitement est pertinent. Ne serait-ce que la remplir avec 1 K de plus, c’est intéressant.

Maintenant, regardons d’un point de vue strictement économique. Avec 135 € il est possible d’alimenter un chauffage électrique de 328 W pendant 3433 heures. (Electricité considérée à 12 c€/kWh).

Avec 135 €, il est possible d’acheter une résistance électrique à 15 €. Puis de l’alimenter pendant 3052 heure à 328 W. Autrement dit, pour couvrir les frais d’investissement du capteur solaire, il faudra l’utiliser pendant plus de 3000 heures ! Sachant qu’une piscine de 25 m3 se remplit en 100 heures avec un débit de 0,069 kg/s, il faudra réaliser 30 remplissages ! Economiquement, cela a peu de sens.

Cependant, le capteur sert aussi à faire monter la température de l’eau de la piscine au printemps et à la fin de l’été, en faisant passer l’eau filtrée par le capteur. Ce n’est pas un gain chiffrable mais gagner 15 jours de baignade au printemps et à nouveau 15 jours à l’automne est un confort supplémentaire.

Conclusion/Résumé

Ce petit capteur solaire est particulièrement intéressant et joue correctement son rôle dans la limite des lois de la physique. Sa puissance et son rendement sont très corrects mais n’ont rien à voir avec les valeurs affichées sur la fiche technique. La puissance annoncée de 735 W est très clairement impossible à atteindre avec le rayonnement solaire. Peut-être qu’en injectant une eau glacée dans le capteur pour maximiser l’apport de l’air ambiant alors la puissance transmise à l’eau pourra s’approcher des 735 W annoncés ?

Si vous pensez qu’une erreur s’est glissée dans les calculs ou les interprétations, n’hésitez pas à proposer votre avis en commentaire pour enrichir ou corriger cet article.

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